décembre 2010
Au-delà du net…
Depuis sa création Myspace se veut être la vitrine possible des artistes inconnus et anonymes de tous horizons en manque de gratification lumineuse ou ténébreuse, selon le mauvais goût des uns et le bon dégoût des autres.
La possibilité d’y côtoyer ses artistes bien aimés, connus et reconnus de toutes les reconnaissances qui leur sont dues, laissait entendre la possibilité d’y avoir même un rapport, une relation presque intime, exclusive, voire privilégiée, avec certaines célébrités rêvées et fantasmées, tant la proximité semblait réelle et le bain commun, nous a-t-on dit et laissé croire. Nous ne sommes bien sûr pas dupes.
Le système du « top des amitiés » en dit assez long sur la façon de procéder de ladite vitrine. Obscure lucarne morbide sur le monde des artistes transparents.
Sa volonté de réunir même les plus agités de tous bords nous laissait déjà perplexe sur la suite et l’avenir d’une agitation somme tout bien conforme. Myspace avait mit en place sa propre police, ses artistes-indics, flics électroniques, défenseurs de toutes les règles, des bonnes mœurs, de l’éthique, de la morale et de l’égalité, avec comme seul arme : la dénonciation. Voir se reproduire sur la toile -sous couvert d’anonymat et donc exacerbés- les mêmes comportements et cloisonnements sociaux de la vie réelle témoigne d’un manque total d’imagination et de l’état lamentable de nos rapports sociaux, qui relèvent pour beaucoup du pathologique.
Quand l’anti-art devient art c’est qu’il est déjà trop tard
Ce média est porteur d’un message optimiste : toi aussi tu peux, même si tu es con ! C’était sans compter sur une nouvelle liberté, une liberté supplémentaire qui devait/doit et devrait s’offrir à moi, à toi, à nous et à tous ceux qui le souhaitent, elle est à portée de main, il n’y a qu’à posséder un ordinateur –chose pas évidente dans toute les parties du monde- et tout changer, effacer sa vie, son univers, sans bouger, et tout ça juste en quelques clics. Gare à vous les sceptiques et critiques du bonheur cathodique, la moindre méfiance à son égard et vous devenez un ennemi de la liberté numérique.
Le divertissement aurait-il ses « révolutionnaires ? » Cette liberté supplémentaire ne s’ajouterait-elle pas finalement à la trop longue liste de tout ce que nous avons déjà perdu depuis plus de trente ans ?
Le caractère franchement autoritaire des récents changements opérés par Myspace, sans laisser la possibilité aux inscrits de réagir, est d’une incorrection telle qu’il était temps pour nous d’aller rire ailleurs. Aujourd’hui, après plusieurs années de maigre pratique, nous avons décidé de ne plus rendre service à ce site. Plus qu’un service, il se nourrit de toutes les informations qu’on lui sert, il nous doit donc un peu la vie comme il doit un peu la vie à chaque inscrit qu’il a bafoué lors de son accord sur la synchronisation des profils, signée avec Facebook à la mi-novembre 2010 sans prendre en compte l’avis de ceux qui le nourrissent. Contribuer à l’alimenter c’est soutenir News Corporation, la plus grande et la plus puissante machine à décérébrer du monde dont le patron est Rupert Murdoch. Étant satisfait uniquement de ce que nous faisons nous-mêmes, nous avons pris un certain plaisir à laisser notre page Myspace agoniser avec son top des amitiés virtuelles.
Par ailleurs, après une expérience de quelques mois peu concluante et même navrante sur Face Book et son interface médiocre, nous avons fermé notre compte après y avoir annoncé deux des trois actions concerts menées cette année : « bOUCAN » le 16/10/2010 et « tAPAGE eT bROUILLAGE » le 20/11/2010.
Pour en finir avec le prisme cathodique schizophrénant, nous gardons en tête notre appartenance au clan des vivants.
On ne peut pas être à la fois contre le fichage génétique de la population et donner tout ou partie de son pedigree à un site internet qui ne respecte la vie privée que dans le cadre de la CNIL (La Commission nationale de l’informatique et des libertés), un autre super instrument du contrôle. Ce ne sont pas tant les renseignements que vous donnez bien volontiers qui entrent en ligne de compte que ceux que d’autres se chargent de divulguer peu à peu pour vous, sur vous, diffusant des détails précis sur vos habitudes, vos idées quand vous en avez, vos activités et autres informations vous concernant que vous ne souhaitez pas forcément rendre publiques.
L’unique sphère privée qui puisse exister sur internet ne concerne que l’intimité des annonceurs publicitaires et non la nôtre.
Voilà les types d’attitude que nous avons pu observer sur les réseaux sociaux virtuels et les forums. Plus que des attitudes, ce sont de véritables automatismes qui sont générés, des réflexes, voire des pulsions, que nous refusons sans discussion possible :
– Le flicage à tous les niveaux, en commençant par celui de ceux qui se prétendent être des amis.
– Les dénonciations à tout va par les gardiens-internautes aux administrateurs de l’autorité morale garante des règles de ce jeu reposant sur la frustration réservé aux personnes mal intentionnées et amis de tous les ordres.
– La virtualisation des rapports contribue à l’éclatement de la lutte contre le pouvoir bourgeois, elle est une forme subtile et très aboutie d’un medium dont la vocation première est d’inhiber la capacité d’action des individus sur eux-mêmes. La résistance digitale est l’expression parfaite de cette aliénation.
Ces trois exemples nous incitent à prendre nos distances avec ces médias pour lesquels les individus ne sont en définitive pas adaptés, ni adaptables sans psychotropes et quelques dommages. Donner tous les moyens à une population de se surveiller, elle devient extrêmement policée.
Nous avons opté pour un blog en attendant l’hypothétique ouverture de notre site internet, soucieux que nous sommes de toujours informer nos amis, proches et moins proches, ainsi que toutes les personnes sensibles à notre approche artisanale de l’art, ouvrière et libre, insoumise et illégale. Une approche terroriste de l’art, la seule capable de désirs encore nouveaux et irresponsables!
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suite…
Nous avions opté pour un blog mais son ergonomie était devenue complexe et les informations parfois compliquées à trouver. Le format n’était plus compatible avec ce que nous souhaitions y voir apparaître. Le blog est à la fois un calendrier, un répertoire, un bloc-note, un journal, un fourre-tout, parfois indescriptible voir dissuasif tant l’idée même qui le nourrit et l’alimente est réduite à son objet : un blog. Son prisme nous laissait donc peu de possibilités. La structure agendatesque conditionnait ce que nous y déposions. sa mise en page faisait de nos écris et événements un consommable rendant difficile la compréhension de notre pratique dans son ensemble. L’imaginaire comme un questionnement possible de la sociologie, l’urbanisme, la politique, l’architecture, la philosophie et tout ce qui concerne les individus et l’environnement dans lequel nous sommes plongés malgré nous. Interrogations et critiques qui n’appartiennent ni aux spécialistes et ni aux techniciens mais bien à ceux et celles que ces domaines passionnent et intéressent.