pent up!

C’est l’inutilité de l’art qui nous inspira et non l’art d’être utile!

article paru dans la revue laura #16

Nous?! Nous avons déjà changé! En fin de race nous sommes en quelque sorte une génération de finisseurs, une forme en marge de bâtisseurs, des viveurs à temps plein et à durée indéterminée qui terminerons tout ce que nous avons touché. L’Atelier de Création

Expérimentale est une forme supérieure de silence face à la politique de lutte contre les nuisances. C’est un bruit paisible et lumineux en désirs nouveaux et non en fantasmes morbides. « Il n’y a rien que nous ne voudrions point changer même le sol que nos pieds foulent! »

L’A.C.E. est une organisation non festive sans but apparent basée à Nantes avec un noyau fondateur à Tours et regroupe une vingtaine de personnes dispersées en France. Elle est composée d’individus aux pratiques artistiques variables et d’individus sans pratique : musiciens(nes), plasticiens(nes), scientifiques, chercheurs(euses), philosophes, scénographes, auteur, techniciens(nes), touche-à-tout photo, vidéo, peinture, sculpture, gens de théâtre, inventeurs, concepteurs, amis, retraités, oisifs en tous genres, et de toutes personnes proches de nos idées et intentions. Nous échappons au conformisme aliénant pour nous réinventer à chaque instant en imaginant d’autres façons d’appréhender et d’aborder notre milieu, les hommes qui le composent et notre rapport à l’autre. Nous devons nous approprier notre histoire et notre existence dans laquelle le système marchand a plus de pouvoir sur nous que les individus en ont sur eux-mêmes. Et c’est ensemble, par les échanges multiples de savoir, les expériences diverses acquises et avec tous ceux qui le souhaitent, que nous parviendrons à mettre en évidence un nombre important d’éléments sur lesquels nous sommes inconscients.

L’A.C.E. a pour objectif d’apporter des pistes et des voies(x) médianes face aux enjeux de dominance, de questionner les structures hiérarchiques de domination, le conditionnement et le cloisonnement des individus dans leurs automatismes socioculturels. C’est cela que nous tentons de questionner et d’éclairer. Le projet est certes ambitieux mais il n’y a que dans la praxis que nous puissions parfois répondre à nos interrogations. C’est cette pratique permanente qui fait la théorie en mouvement et non l’inverse qui fige et inhibe.

Il y a un monde entre les idées et les actes, entre la logique biologique et la logique sociale, entre l’envie et le désir, l’individu et le groupe, l’ordre et le désordre. Entendre ce n’est pas comprendre et comprendre ce n’est pas agir. L’évidence sert à cacher la vérité. La psychologie à posséder les individus avant qu’ils ne vous possèdent. Les faits divers à la diversion et le divertissement à la soumission. La mise en situation rend parfois sensible ce qui ne l’est pas ou peu. L’imagination n’est pas uniquement la rencontre fortuite d’éléments qui composent le hasard. Il y a autre chose, rendre perceptible l’invisible c’est la faculté de se représenter ce qui n’existe pas. Nous sommes poussés par un désir d’illégalité que rien ne peut assouvir et une envie irresponsable d’Être. C’est dans cet espace indéfini, flou, sans véritable limite visible, échappant à la logique sociale et politique que l’organisation Atelier de Création Expérimentale prend toute sa substance : l’imaginaire comme un TOUT révolutionnaire. L’action qu’un individu peut avoir sur lui-même c’est son pouvoir d’agir qui le mène et rien d’autre. Voilà pour les présentations et le chemin qui nous amène à Pent Up!

Les oiseaux volent, les poissons nagent et les hommes mentent. Dès qu’il y a conscience il y a mensonge. C’est sur ce postulat de départ que la performance Pent Up! repose. Une tentative de court-circuiter l’état de conscience qu’est le raisonnement par une action qui empreinte des voies synaptiques autres que celles de la construction mentale organisée. La destruction comme une expression primale assouvie.

Le 16 mars dernier nous sommes invités à présenter notre performance « Pent up! pour en finir avec l’infini » au 108 d’Orléans dans le cadre du MiniXul5. « Pent up » vient de l’anglais « refoulé » et nous avons proposé au public de venir réduire, détruire ou extérioriser cette chose que l’on refoule.

L’atmosphère est médicalisée. Deux opérateurs en blouse blanche s’occupent de l’accueil devant la porte d’entrée. Le couloir transformé à l’occasion en salle d’attente est bondé. Chacun attend, seul ou en groupe, curieux, amusé ou perplexe. Il est 17h30, c’est parti, Pent up! est lancé. Vous entrez seul, c’est la condition. La porte se referme et vous êtes aussitôt pris en charge par une assistante. Devant vous un bureau, un document à signer, une décharge qui déresponsabilise l’A.C.E. des éventuels risques encourus. Un peu plus loin sur votre gauche vous enfilez la combinaison de protection contre les éclats possibles, des gants ainsi qu’une visière devant le visage. Arrive la dernière étape, la batte de baseball. Une fois qu’elle se trouve dans vos mains, vous êtes enfin prêt. Vous voilà transformé en destructeur moderne. Notre assistante se retire quand l’objet à détruire a été sélectionné. Dans la pièce, nous avons installé des écrans de télévision, des ordinateurs, du mobilier, et diverses autres choses à démolir. Le public a également la possibilité de venir avec des objets de son choix.  Vous êtes désormais seul face à vos pulsions destructrices. Face à vous-même, vous sachant écouté, mais sans être vu. Que se passe-t-il à cet instant?

Le public derrière le mur est vite oublié, peu à peu un engouement se crée, une dynamique se forme, un élan s’annonce, une agitation et soudain le choc. La destruction commence. Une implosion importante retentit et fait trembler les lieux. Les coups portés semblent d’une rare violence. Dans le couloir les regards sérieux, médusés et inquiets dans un premier temps, sont ensuite amusés. Des applaudissements et des rires fusent de la part du public excité qui s’imagine des scénarios tous aussi délirants les uns que les autres. Des cris jaillissent et des hurlements se font entendre depuis la salle de destruction. L’étonnement est à son comble et la spéculation va bon train. Rien ne filtre si ce n’est le son produit. En effet depuis la salle de destruction une sonorisation est placée dans le couloir d’attente, restituant l’ambiance de celle-ci. Grâce à cette captation un indicateur sonore précise avec exactitude les décibels provoqués par le défoulement. Nous avons installé, avec l’aide d’Olivier Baudu, notre « défoulomètre », qui comme son nom l’indique mesure le degré de satisfaction de voir la chose anéantie. L’indicateur est projeté via un vidéomapping sur la cheminée géante située à l’extérieur du bâtiment, que le public peut néanmoins observer depuis les fenêtres situées dans le couloir devenu salle d’attente. Durant 5h, le public est venu prendre sa place dans ce drôle de manège qui n’a pas désempli. Après Pent up! les individus sont épuisés, certains au bord de l’évanouissement, d’autres les yeux humides. Les visages rouges sont en sueur, les bras le long du corps tremblent encore, la démarche est vacillante. Les réactions libératrices ne sont pas cachées. La décharge est phénoménale, l’intensité et l’énergie dépensées surprennent les individus, par cet effort inattendu. Ça y est c’est fait! Ça fait du bien! Première expression recueillie, l’acte est accompli. Notre surprise est totale et la réussite complète.

Quand l’anti-art devient art c’est qu’il est déjà trop tard. Dans une société de boutiquiers et de trafiquants, la destruction participative et le terrorisme culturel sont les seuls gestes capables de susciter des désirs encore nouveaux. La fin festive du monde semble quand même plus crédible que la fin du monde festif. Allez, bonne chance.

*Pour Pent Up! nous tenons à remercier toute l’équipe du Xul, Labomédia d’Orléans, Benjamen Cadon, Philippe Coudert et Olivier baudu.

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